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Comprendre le Parcours d'Une Personne Atteinte d'Une Maladie Rare

By Innomar Strategies

Une entrevue avec Matt George, survivant d’une maladie rare et représentant de patients

Matt George est un représentant de patients et un survivant de la maladie d’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN), un trouble débilitant, rare et mortel. Il a reçu son diagnostic d’HPN à l’âge de 24 ans, mais ce n’était ni le début ni la fin de ses défis.

Nous avons rencontré Matt pour examiner son parcours de patient atteint d’une maladie rare.

À quoi ressemblait votre vie avant de recevoir votre diagnostic d’HPN ?

Avant d’être diagnostiqué d’HPN, je menais une vie très irrégulière. Je passais par beaucoup de hauts et de bas. Et quand je parle de hauts, tout était relativement bien. J’étais en mesure d’aller au bureau et à mes cours. Mais en d’autres moments, je tombais grièvement malade et je demeurais au lit pour une période allant de deux jours à quatre semaines.
Je travaillais pour le compte d’une entreprise familiale et il m’était difficile de prendre congé. Mais j’ai dû renoncer à ce que je ne devais pas faire. Je devais aller au bureau, mais je ne pouvais pas sortir entre amis, je ne pouvais pas faire beaucoup de choses amusantes parce que je me sentais épuisé ou vraiment malade ou tout simplement mal en général. J’avais besoin de beaucoup de sommeil et les fins de semaine étaient pratiquement terminées.

La plus grande difficulté était que non seulement je me sentais mal à cause de ma maladie, mais que je renonçais aussi à tous les aspects importants de la vie.

Comment est-ce que ça vous a affecté à vous et à votre famille ?

Tout au long du processus, j’ai vraiment gardé une attitude positive, ce qui était important, parce que je m’inquiétais que si je ne gardais pas une attitude positive, ce serait encore plus difficile d’y faire face. Mais durant ce processus, c’était frustrant parce que je ne disais pas que j’étais déprimé mais je n’étais certainement pas heureux.

Beaucoup de personnes se faisaient du souci pour moi, et c’était frustrant pour moi aussi parce que je ne voulais pas que les gens s’inquiètent pour moi. Je pense que c’était surtout très dur pour mes parents parce qu’ils ne savaient pas ce qui se passait et pourquoi. Cela a été très difficile.

Quels étaient les défis liés au diagnostic ?

Les défis liés au diagnostic étaient - c’est le seul terme que je puisse vraiment utiliser - astronomiques. Ça m’a pris cinq ans pour obtenir un diagnostic. J’ai d’abord consulté notre médecin de famille. J’ai été [ensuite] orienté vers un urologue, puisqu’avec l’HPN l’un des symptômes les plus visibles est le sang dans l’urine. J’ai eu un nombre d’examens différents et tous ont conclu qu’il n’y avait pas de problème.

J’ai essayé d’aller en vacances mais je suis tombé très, très malade. J’ai consulté un médecin de la salle d’urgences locale qui m’a orienté vers un spécialiste en maladies tropicales. Le spécialiste en maladies tropicales a conclu que je n’avais pas contracté de maladie durant mon séjour et il ne savait pas vraiment ce que c’était. Il a fini par m’orienter vers un gastroentérologue. Celui-ci a sorti un vieil ouvrage qui était tout couvert de poussière. Il l’a épousseté, l’a consulté et il a eu une idée. Il m’a envoyé faire encore deux analyses de sang. Je suis allé à la deuxième prise de sang et il m’a dit je vais te réorienter vers ton médecin de famille et je vais lui dire de t’orienter vers un hématologue. J’ai donc consulté un hématologue local, et c’est à ce moment-là que j’ai pu être diagnostiqué d’HPN.

5 ans plus tard, vous avez finalement été diagnostiqué d’HPN. Avez-vous reçu un traitement à l’époque ?

À l’époque, quand j’ai été diagnostiqué par l’hématologue, je me rappelle qu’elle m’avait dit : «Je pense que nous avons identifié le problème». Elle a dit : «Vous souffrez d’une maladie et elle s’appelle hémoglobinurie paroxystique nocturne». J’ai dit : «D’accord, bon. Remédiez-y».

Elle a dit : «Malheureusement, il n’y pas grand-chose que l’on puisse faire. J’ai dit : «Alors, que sait-on ? Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?» Et elle a dit : «C’est une maladie très rare. Il n’existe pas beaucoup d’information à son sujet. Elle a dit : «En ce moment, il n’y a rien qu’on puisse faire».

Elle se suffit de me garder sous observation, sans grand progrès. Qu’on ne méprenne pas, j’étais heureux d’avoir reçu quelque sorte de diagnostic. Au moins, je savais quel était le problème. Mais ce qui était vraiment frustrant, c’est qu’il n’y avait pas de solution ; et il n’y avait guère d’information à ce sujet et il semblait qu’il n’y avait pas beaucoup de personnes qui en savaient grand-chose.

Mon état de santé a continué à se détériorer davantage et je me sentais plus frustré et de plus en plus malade. C’était très dur pour ma famille et mes amis et tous ceux qui m’entouraient.

Vous avez ensuite sollicité d’autres avis. Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?

J’ai commencé à consulter les hôpitaux universitaires et j’ai trouvé un médecin ; et il a dit qu’il n’y avait pas grand-chose à faire. Je pense que c’est à ce moment-là que ça m’a frappé, que j’ai su que j’allais mourir. Je pense que c’est à ce moment-là que la peur m’a assailli que ça ne finirait pas bien, que ce je que ressentais au moment n’allait pas s’améliorer et que ma vie n’allait pas se réparer.   

Je voulais solliciter un autre avis. Je me suis rendu à un autre hôpital à Londres en Ontario et [le médecin] semblait posséder de larges connaissances sur l’HPN et était vraiment en mesure d’expliquer certains détails bien précis. Ses prévisions étaient un peu plus optimistes, mais encore une fois, il n’y avait pas de nouvelle information. Il pouvait simplement me mettre sous observation.

Alors, j’ai continué de faire de mon mieux pour quelque temps. Je devais toujours aller au travail, j’avais toujours besoin d’argent, mais j’ai renoncé à presque tout le reste, parce que je devenais de plus en plus malade. Mais un jour, mon médecin m’appela de Londres. Je me suis rendu dans son cabinet et il m’a dit qu’un nouveau médicament venait juste d’être mis en marché par Santé Canada ; et il a dit qu’il pensait que ça pourrait m’aider.

Il m’a donc mis en contact avec le [programme de soutien aux patients du fabricant], vu le coût élevé du médicament. 

Quel genre d’aide avez-vous reçu du programme de soutien aux patients du fabricant ?

Le [programme] opère pour assurer l’accès des patients à leurs médicaments, ainsi que pour obtenir le financement de ces médicaments et de garantir un financement constant aux patients sous médicament. Ceci est extrêmement important, parce que sans médicament, on ne vivrait probablement pas très longtemps.

Et le [programme] s’est battu, tout comme une équipe d’avocats, pour s’assurer que j’avais accès au médicament. Cela a pris 4 semaines et ils ont dû contacter la compagnie d’assurance quelques fois par jour, puisque leur objectif était de me faire approuver et de me garantir l’accès au médicament le jour même.

Vous devez vous rappeler que lorsque vous êtes très, très malade, c’est très difficile de plaider, de vous battre et d’avoir l’énergie de le faire ; et ils font tout ça pour vous. C’était vraiment une expérience privilégiée d’avoir ce genre de soin et cette sorte de compassion, puisque les gens veulent vraiment aider.

Qu’est-ce qui s’est passé lorsque vous avez reçu le traitement ?

J’étais très tendu. Je me disais, avec un peu de chance, ça me soulagerait un petit peu après quelque temps. Alors, ils ont commencé la perfusion par voie IV et dix minutes après le début de la perfusion du médicament, la vie m’est revenue. J’ai bien senti la différence. J’ai senti comme si quelqu’un avait libéré mon visage d’un sac en plastique, je pouvais sentir l’oxygène et la fatigue commençait à se dissiper.

Petit à petit, je me sentais de mieux en mieux au fil des séances de perfusions. J’avais auparavant souffert d’acné nodulaire affreuse sur mon visage et mon dos, presque comme des caillots sanguins. J’avais toujours la jaunisse, mon urine était sombre, mais tous ces symptômes ont commencé à s’atténuer. Évidemment, mon corps avait besoin de récupérer et de guérir, et ça a plus de deux ans pour me sentir bien à cent pour cent. Mais je remarquais d’une semaine à l’autre que je me sentais mieux ; je reprenais mes forces ; je me sentais vraiment bien à nouveau ; j’avais meilleure mine.

Ça m’a donné le cadeau de reprendre ma vie en main et de me sentir bien à cent pour cent. Plus de symptômes, plus de sensation de maladie. J’étais capable à présent d’aller en vacances, de sortir entre amis et de m’adonner à des activités avec mon partenaire. Des choses simples ; tondre la pelouse ; laver ma voiture. Toutes ces choses auxquelles les gens sains et normaux ne prêtent pas trop attention.

Comment votre vie a-t-elle changé depuis avoir reçu le traitement ?

Jusqu’aujourd’hui, j’ai été [traité] pour environ cinq ans et demi et j’entame ma sixième année. Il n’y a rien que je ne puisse faire. Je peux faire tout ce qu’une personne normale et saine peut faire ; et je me sens comme une personne saine et normale. Je n’ai plus de symptômes d’HPN. Je vais au gymnase trois fois par semaine. Je travaille pour 10 ou 11, parfois 12 heures par jour, sans problème. Je mène une vie formidable, je peux faire tout ce que je veux.

Quel est votre objectif en devenant représentant de patients ?

Je suis heureux de me porter volontaire pour partager mon histoire et le parcours que j’ai vécu, parce que je veux contribuer à mon tour et dire merci pour ce don inouï qui dépasse toute espérance.

Je veux également sensibiliser les gens au fait qu’il existe des solutions aux maladies rares dans certains cas. Alors, que faire si quelqu’un souffre d’HPN et qu’il n’est pas diagnostiqué et qu’il meure, s’il existe ici aujourd’hui une solution disponible pour eux ? Tout le monde a droit à leur vie et à se sentir bien, surtout si une solution existe.

D’autre part, cela permet aux médecins d’écouter le point de vue du patient. Je pense qu’une partie du problème réside dans le fait qu’un médecin examinant un patient peut facilement ne pas déceler les signes d’HPN, puisque les symptômes varient légèrement d’un individu à l’autre. Mais ils écoutent le point de vue des patients et ils voient les résultats. Nous devons nous assurer que personne n’est négligé parce que la solution est là.

Alors, en faisant part de mon expérience à tous les différents groups, que ce soit le personnel des pharmacies spécialisées, les médecins d’hôpitaux et les hématologues ou les payeurs tels que les compagnies d’assurance ou notre gouvernement, toutes ces parties doivent pouvoir constater ce qui se passe quand les bonnes personnes sont connectées aux bonnes ressources, parce que sans l’un des maillons de cette chaîne, je ne survivrais pas.