InnomarLive 2023: première partie
By Innomar Strategies
Tendances émergentes dans l’écosystème de l’oncologie. Transformer les défis d’aujourd’hui en occasions pour les soins des patients et leur capacité d'y avoir accès
L’auditoire a assisté à des discussions convaincantes du point de vue de l’oncologue, qui doit fournir des soins de qualité dans un milieu où les ressources sont limitées, ainsi que du point de vue du patient, qui doit obtenir un diagnostic, un traitement, des soins et du soutien. On a couronné la série de sujets avec la promesse de nouvelles thérapies cellulaires et géniques, les besoins en matière de durabilité des régimes d’assurance médicaments et l’importance du rôle joué par les programmes de soutien aux patients (PSP) dans l’amélioration du parcours du patient en oncologie.
Santé Canada : Approches réglementaires aux examens des produits anticancéreux dont le paysage est en constante évolution
Melissa a décrit la structure de Santé Canada (SC) responsable de l’examen des produits anticancéreux au sein de la Direction des médicaments pharmaceutiques (DMP) et de la Direction des médicaments biologiques et radiopharmaceutiques (DMBR). L’oncologie est un domaine novateur chez Santé Canada, où environ 77 % des produits ayant obtenu un avis de conformité sont destinés au traitement du cancer; de plus, au cours des trois dernières années, de 41 à 54 % des demandes d’autorisation de nouvelles substances actives (NSA) ont fait l’objet d’un processus accéléré, dont un grand nombre dans le domaine de l’oncologie.
Santé Canada a mis en œuvre plusieurs stratégies pour faire face à l’augmentation du nombre de traitements anticancéreux, y compris les suivantes : autorisation conditionnelle de mise en marché, examen prioritaire, harmonisation des évaluations des technologies de la santé (ETS) et utilisation croissante des DPMR.
Des initiatives de collaboration plus vastes, telles qu’ACCESS et ORBIS, ont permis d’augmenter le nombre de présentations de drogues nouvelles (PDN) et de suppléments aux présentations de drogue nouvelle (SPDN) approuvés par le DMP et le DMBR. SC participe au projet SISAQOL-IMI : Setting International Standards in Analysing Patient-Reported Outcomes and Quality of Life Endpoints in Cancer Clinical Trials de l’Innovative Medicines Initiative (IMI), offrant ainsi une expertise réglementaire canadienne pour l’étude de la faisabilité de l’élaboration de recommandations pour la conduite d’essais à répartition non aléatoire, ainsi que des recommandations internationales relatives à la terminologie et aux définitions des changements cliniques significatifs observés dans le cadre des essais sur le cancer.
ACMTS : Mise à jour les ETS dans le domaine de l’oncologie
Brent Fraser, vice-président, Évaluation des médicaments, ACMTS
Brent a parlé du volume des demandes d’ETS en oncologie reçus par l’ACMTS, du travail de collaboration et des occasions à venir. En 2023, 41 % (41/100) du nombre total d’examens de remboursement terminés et en cours concernaient des produits anticancéreux. À tout moment en 2023, l’ACMTS a environ 60 examens actifs en cours. Grâce à ses collaborations internationales entre des organismes d’ETS comparables (PBAC, NICE, SMC, AWMSG), l’ACMTS peut s’appuyer sur le succès des initiatives de collaboration des organismes de réglementation (projet ORBIS et consortium Access) et tirer des leçons d’autres ETS, notamment l’approche proportionnelle du NICE. L’ACMTS est à élaborer des directives sur les DPMR (voir plus loin), afin d’appuyer dans l’avenir l’inclusion de données dans les demandes, la mise en œuvre de recommandations limitées dans le temps et l’intégration de l’approche GRADE (Grading Recommendations, Assessment, Development, and Evaluation) à l’examen des médicaments. L’ACMTS a terminé la transition des revues systématiques vers les fabricants et s’attend à voir des améliorations au fur et à mesure que les fabricants s’y habitueront.
INESSS : Le point de vue du Québec sur les ETS
Sylvie Bouchard, directrice, Direction de l’évaluation des médicaments et des technologies à des fins de remboursement, INESSS
Sylvie a présenté une mise à jour (de mai 2022) du plan stratégique de la Stratégie québécoise des sciences de la vie et la Politique québécoise pour les maladies rares (publiée le 6 juin 2022). Les activités de communication et la mise en œuvre de travaux méthodologiques de l’INESSS permettront d’évaluer la pertinence de l’innovation et de préciser les renseignements à recueillir pour démontrer la valeur clinique, sociétale et économique des innovations québécoises en matière de technologie médicale.
Afin d’accélérer l’accès aux médicaments novateurs, l’INESSS invite les fabricants à adhérer au processus d’examen harmonisé de Santé Canada. L’INESSS appuie le caractère concurrentiel des listes de médicaments en soutenant les efforts du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) visant à réduire les délais d’inscription, ainsi que leur contribution à la gestion de l’augmentation des négociations des lettres d’intention à l’aide de nouvelles méthodes.
On a publié la Politique pour les maladies rares le 6 juin 2022. Toutefois, le plan d’action décrivant en détail les mesures de déploiement et le financement ne sont pas encore disponibles. Les sujets couverts par la politique sont les suivants : formation des professionnels de la santé, accès au dépistage préconceptionnel et au diagnostic prénatal, médecine génomique, télésanté et télépharmacie, accès aux produits pharmaceutiques, programme d’aide alimentaire amélioré, registre du Québec, recherche et accélération des innovations thérapeutiques.
Depuis 2020, l’augmentation du nombre de traitements anticancéreux et d’examens d’ETS, ainsi que d’autres défis, a mené à des retards dans les activités de l’INESSS. Les objectifs de 2023 consistent à se mettre au diapason avec l’ACMTS, en vue de permettre au Québec de participer aux négociations de l’APP et de rattraper tous les retards. On a mis en œuvre les mesures nécessaires pour atteindre ces objectifs.
La médecine de précision est un domaine de l’oncologie en pleine évolution. L’objectif de l’INESSS est de mettre en place des processus d’évaluation de tests diagnostiques complémentaires et d’informer le MSSS en temps opportun qu’on dispose d’une analyse de biologie médicale associée aux médicaments évalués. L’INESSS décrit comment s’assurer que les patients québécois atteints de cancer ont accès en temps opportun aux technologies novatrices dans deux importants documents publiés.1,2
Les approches à la mise en œuvre conditionnelle des technologies novatrices comprennent celles qui suivent : la couverture moyennant la présentation de données probantes et le remboursement lié au rendement aux fins de la gestion de l’utilisation de la technologie pour maîtriser contrôler le rapport coût-efficacité dans des conditions réelles. Il est important que le Ministère fasse preuve d’engagement et d’ouverture à l’égard de l’INESSS pour ce qui est de ce type de recommandations.
1. CONDITIONAL IMPLEMENTATION OF INNOVATIVE TECHNOLOGIES
2.https://www.inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/DocuMetho/Bulletins_veille/Bulletin_1_VF.pdf
APP : Mise à jour des négociations liées aux médicaments anticancéreux
Daniel a donné un aperçu du rôle de l’APP dans le processus d’examen des médicaments au Canada et de sa transition vers une organisation autonome, de même que d’autres changements proposés dans le nouveau plan stratégique de l’APP, publié en avril 2022. Depuis lors, un processus a été mis en branle pour déterminer et intégrer une nouvelle structure organisationnelle et mettre en place d’autres ressources.
Dans le domaine de l’oncologie, les participants de l’APP diffèrent d’un payeur et d’une organisation à l’autre au Canada (régimes d’assurance médicaments du ministère de la Santé, organismes de lutte contre le cancer, autorités sanitaires) et il y a un chevauchement important entre le groupe consultatif provincial (GCP) et les participants aux négociations de l’APP, ce qui donne un niveau de familiarité clinique supérieur avec les nouvelles présentations de médicaments avant les négociations de l’APP.
Voici des conseils donnés aux fabricants : 1) obtenir à l’interne l’acceptation des recommandations et des critères cliniques de l’ETS, 2) être prêt à négocier lorsqu’une lettre d’engagement est reçue, 3) se préparer à proposer des prix rentables/économiques, et 4) être attentif aux propositions comportant une surveillance des patients.
Payeurs privés : Estimer la valeur des médicaments anticancéreux
Daria O’Reilly, économiste principale en santé, experte-conseil en pharmacie, Solutions d’assurance santé et de paiements, Telus SantéLes payeurs privés envisagent d’améliorer leur évaluation des budgets, des populations, des coûts, des valeurs et des croyances philosophiques. Chez TELUS Santé, les traitements anticancéreux figurent parmi les 10 premières classes de médicaments (7e rang) sur le plan des montants admissibles, 4,2 % des coûts admissibles correspondant à seulement 1,6 % des demandeurs.
Étant donné que nombre de sous-types de cancer sont définis comme des maladies rares et que plus du tiers des médicaments destinés au traitement des maladies rares sert à traiter le cancer, il manque de données probantes sur les essais cliniques, la productivité et l’invalidité, et il est difficile d’en déterminer le rapport coût-efficacité. Or, compte tenu du manque de données probantes disponibles, il est impératif de réduire l’incertitude et d’atténuer les risques.
Les payeurs et les organismes d’ETS doivent trouver des moyens de faire évoluer leurs processus décisionnels. Une approche consiste à envisager de produire des données probantes à partir des DPMR. Voici les sources de DPMR possibles : dossiers médicaux électroniques (DME), registres, bases de données des assureurs, PSP, réseau de pharmacies privilégiées et technologies, tels les appareils mobiles et les dispositifs portables.
Les DPMR pourraient servir à effectuer l’examen initial des médicaments et l’évaluation de ceux-ci après leur inscription à une liste de médicaments, à gérer cette dernière sur une base continue, à favoriser l’observance thérapeutique, à établir les parts de marché (aux fins d’évaluer le risque financier) et à conclure des ententes basées sur les résultats (EBR).
En somme, dans un contexte de grande incertitude, il a été difficile de trouver un équilibre entre l’innovation et la hausse des prix. L’évaluation des technologies de la santé par les assureurs est de plus en plus raffinée et, bien que les payeurs publics et privés desservent des populations différentes, une collaboration entre eux serait nécessaire pour trouver des données concrètes et produire des DPMR en vue de la prise de décision en matière d’inscription des médicaments aux listes de médicaments et la conclusion d’EBR.
Tenir la promesse du Canada d’offrir un accès aux médicaments pour traiter les maladies rares fondé sur la valeur
Mme Durhane a présenté les travaux menés par la Canadian Organization for Rare Disorders (CORD) au cours des trois dernières années, période durant laquelle l’organisation a fait appel à des intervenants clés, dont Santé Canada. La CORD présentera ses activités de manière plus complète sous forme d’ateliers à l’occasion de sa conférence, qui se tiendra le 28 et le 29 mars 2023 à Ottawa.
Les délais actuels entre la réception de l’avis de conformité (AC) et l’inscription aux listes de médicaments sont trop longs. En moyenne, il faut compter 18,9 mois entre la réception de l’AC et la signature de l’entente avec l’APP (dans le meilleur des cas). Seuls trois des cinq médicaments destinés au traitement des maladies approuvés par la FDA (Federal Drug Administration)/European Medicines Agency (EMA) font l’objet d’une demande au Canada.
Bien qu’ils fassent l’objet d’un processus accéléré, l’approbation de certains médicaments anticancéreux peut prendre plus de temps, car ils sont bloqués à chaque étape du processus en raison de l’incertitude des données, des prix élevés, des négociations et d’autres difficultés. À terme, 30 % des médicaments ne recevront pas la recommandation d’inscription à une liste de médicaments. Ainsi, nous avons du mal à faire entrer les technologies innovantes au Canada et, lorsque nous y parvenons, nous avons du mal à les offrir aux patients.
La stratégie proposée par la CORD repose sur trois piliers : 1) Des centres d’expertise permettant d’obtenir des diagnostics précis, des tests et des algorithmes thérapeutiques logiques; 2) Des plans d’accès aux médicaments gérés, même en présence de niveaux d’incertitude élevés; 3) Des projets de recherche visant à soutenir la mise au point de nouveaux médicaments et des évaluations continues en situation réelle. Nous pouvons maximiser le rendement de la somme d’un milliard de dollars investis dans la stratégie sur les médicaments en fournissant le bon médicament au bon patient, au bon moment et au bon prix. On est à proposer des voies de rechange pour y arriver en examinant les options de décision et les voies d’accès gérées reposant sur les DPMR, qui sont déjà en place dans les cinq grands pays de l’Union européenne.
Commercialisation de nouveaux traitements anticancéreux : le point de vue du fabricant
Carlene a abordé les difficultés et les occasions liées à la commercialisation de nouveaux traitements anticancéreux du point de vue des fabricants. L’autorisation de l’accès aux technologies de la santé au Canada passe par de nombreuses étapes successives, chacune d’entre elles pouvant causer des retards, qui se sont accumulés au cours des dix dernières années.
En 2020, le délai entre l’approbation d’un médicament par SC et la première inscription de celui-ci à une liste provinciale/territoriale de médicaments (tous médicaments confondus) était de 21 mois, ce qui représente presque le double par rapport à la période de 2013 à 2015 (qui était de 11,5 mois). Bien que le Canada soit un seul pays, il ressemble davantage à treize pays, car chaque province/territoire présente une infrastructure et une complexité qui lui sont propres. À la suite de la première inscription d’un produit à une liste provinciale/territoriale de médicaments, le délai nécessaire pour obtenir l’inscription des médicaments anticancéreux à 80 % des listes de médicaments était significativement plus court que pour les autres médicaments (172 jours par rapport à 436 jours).
Pour que la valeur de l’innovation se traduise en véritables soins contre le cancer, les processus, la réglementation et les approches actuels devront changer en offrant ce qui suit : 1) un concept englobant de valeur appliquée à l’ensemble des traitements accessibles; 2) un diagnostic précoce et le bon traitement ciblé aux fins de réduire le gaspillage dans le système; 3) des préparations de rechange qui aident à atténuer les problèmes de capacité des hôpitaux; et 4) des EBR pour faire face à l’incertitude.
Dans l’avenir, les DPMR éclaireront et simplifieront les voies de remboursement et de financement des médicaments, de manière à offrir un accès en temps opportun à ceux-ci. Nous devrons collaborer pour résoudre les difficultés complexes touchant le domaine des soins de santé, ainsi que pour saisir et reconnaître les propositions de valeur holistiques.
InnomarLive 2023: partie deux
Résumé de la discussion de groupe : « Comment transformer ces difficultés en occasions d’améliorer les soins et l’accès aux médicaments? »
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InnomarLive 2023: partie trois
Soins offerts aux patients canadiens atteints de cancer : le point de vue du médecin
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